Publicité : Les parcs Disney jouent la carte de l'émotion
Disney délaisse le concept de « magie » pour s'orienter vers une communication plus émotionnelle, correspondant mieux à la sensibilité européenne.
C'est une petite fille de quatre ou cinq ans, visage rond et couettes brunes, qui veut être une princesse. Assise sur un lit aux reflets moirés, assez kitsch, encadrée par deux tables de nuit d'inspiration Louis XVI, elle explique à la caméra, en agitant son sceptre de papier, que c'est parce qu'elle a « très envie de danser à un bal » et de « vivre dans un château ». Le lit, c'est son trône. Et son chien, c'est son cheval.
Autre spot : un petit garçon qui, cette fois-ci, se rêve en Peter Pan, galope dans le salon, traque le Capitaine Crochet derrière les rideaux, crie « je vole » du haut de son canapé. Précédé par la mention « un jour, le rêve se réalise », on le retrouve subitement à Euro Disney, bataillant contre un gigantesque Capitaine Crochet, filmé à la manière d'un documentaire, avec une économie de moyens délibérée. Le tout est assorti d'une nouvelle signature de marque : « Croire plus fort en ses rêves », appuyée par un budget qui s'élevait à 12 millions d'euros net en 2005.
Réalisés par BETC Euro RSCG avec une fraîcheur et une authenticité inattendues (même si le premier film est plus percutant que le second), diffusés depuis le 6 mars simultanément en France, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, puis prévus en Espagne et en Allemagne pour le mois prochain, les deux films annoncent une nouvelle offensive de communication d'Euro Disney. Exit la stratégie précédente, axée sur la « magie » de Disney, qui fonctionne de façon efficace aux Etats-Unis, où la culture Disney est omniprésente depuis l'enfance, mais qui ne prenait pas en Europe, où le parc de loisirs n'existe que depuis 1992 et où le concept « n'était pas vécu comme crédible », indiquent Bruno Casanova, directeur associé, et Olivier Courtemanche, directeur de création de BETC Euro RSCG. Et place à l'émotion, à l'authenticité : « Le casting a été très difficile, car nous recherchions des enfants qui aient gardé en eux un peu de fragilité et de spontanéité et n'aient pas déjà des réflexes de petits comédiens... », indiquent-ils. Mais, à l'arrivée, le vrai-faux documentaire fonctionne efficacement.
Disney se métamorphose en un endroit où l'enfant peut réaliser des rêves universels et éternels : devenir une princesse ou voler. « On a voulu transformer une expérience qui était de l'ordre de la magie et du frisson en nous déplaçant vers le territoire de l'enrichissement personnel et intellectuel de l'enfant », concluent Bruno Casanova et Olivier Courtemanche.
La situation économique d'Euro Disney n'est, bien évidemment, pas totalement étrangère à ce changement subit de stratégie. En 2005, les finances du parc se sont améliorées, avec une progression de 3 % de son chiffre d'affaires, à 1,076 milliard d'euros, et une perte de 95 millions pour l'exercice 2004-2005, en réduction de 35 % par rapport à l'exercice précédent. Mais le nombre de visiteurs continue inlassablement de buter sur le même chiffre - 12,4 millions -, même si ces visiteurs ont dépensé plus en 2005 que l'année précédente. Il est vrai aussi que le réflexe « parc de loisirs » est loin d'être encore automatique : « Lorsqu'on demande à des Américains ce qu'ils souhaiteraient faire pour leurs vacances, 25 % évoquent un parc à thèmes, alors qu'ils ne sont que 2,5 % en Europe, indique François Banon, vice-président publicité du complexe Disneyland Resort Paris. Plus inquiétant encore, les trois quarts du coeur de cible en Europe n'ont pas fait la démarche de venir découvrir le parc, certains demeurant persuadés que l'enfant ne peut pleinement en profiter qu'à neuf ou dix ans révolus.
D'où les efforts déployés depuis l'an dernier pour aplanir les obstacles et susciter l'envie. Déjà, les différentes équipes européennes se sont vu accorder par le siège américain une autonomie supplémentaire afin de mieux pouvoir prendre en compte les réflexes locaux.
Parallèlement, entre 2006 et 2008, le parc de loisirs s'est engagé à offrir une nouvelle attraction majeure par an pour renouveler l'offre. Tandis qu'en septembre 2005 Disneyland Resorts Paris organisait une consultation à laquelle participait son agence sortante, Leo Burnett, responsable du budget sur le reste du monde. Et portait son choix, en janvier 2006, sur BETC Euro RSCG, chargé de mieux prendre en compte la sensibilité européenne en insistant sur le rôle de « structuration psychique » de l'enfant que peut offrir le parc. Pour la première fois, voilà l'enfant héros de l'histoire, filmé seul, chez lui, comme un acteur du jeu, et non plus comme un élément décoratif de Disneyland, perdu au milieu des figurants et des attractions. Avec une ambition à la clef : accroître de 20 % la fréquentation du parc d'ici à cinq ans.
Source : Les Echos
Source : Les Echos