Parc Playmobil : Le tour est jouet
90 000 m2 d'univers ludique et récréatif à la gloire de petits bonshommes en plastique... Dans le sud de l'Allemagne, ce rêve d'enfant est volontiers investi par les grands.

Habitués à tenir dans leur main les petits personnages en plastique colorés de 7,5 cm, les enfants n'en reviennent pas de voir le monde miniature de leurs chambres à une échelle supérieure. A 9 heures, quand les soldats d'1,60 mètre baissent le pont-levis, les petits fans sont déjà sur les starting-blocks. «Tous à l'assaut du château !» Ou plus exactement du «vieux château», le carré. Car, depuis Noël dernier, il y a aussi un nouveau château, tout en longueur et en tourelles. Sautillant d'un pont à l'autre, les petits visiteurs accèdent à la place forte par les douves. Les parents n'ont qu'à suivre. Une musique du Moyen Age envahit les corridors étroits. Un fantôme peint sur le mur surgit. Contrairement à Disneyland, le parc Playmobil n'est pas un parc d'attractions avec manèges et mascottes de Mickey ou Pluto déambulant sur le site. «Les enfants doivent être actifs, souligne Horst Branstätter, le PDG de la firme de jouets, devenue la plus importante d'Allemagne (359 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2004). Chez nous, les enfants doivent grimper, glisser, barboter...» L'idée est de leur faire vivre les aventures qu'ils inventent pour leurs figurines.
«Toi, là, je t'ai tué, alors tu bouges plus»
«Tu crois qu'on va tomber sur le dragon vert ou sur le dragon rouge ? interroge Basile, 8 ans. Parce que le rouge est vraiment plus méchant que le vert.» Pas de monstre en vue. Au bout d'un quart d'heure, il finit par découvrir une fresque sous les gradins de la cour. Déception. «Il ne fait même pas peur...» Les chevaliers en herbe se consolent rapidement, dans la cour pavée de 20 mètres sur 20 mètres. «Toi, là, je t'ai tué, alors tu bouges plus», crie un petit rouquin. «Et toi, tu vas en prison», rétorque son frère. Vlan. Porte verrouillée. Pendant ce temps, d'autres puisent de l'eau, ou s'installent sur le trône qui s'illumine d'un seul coup sur fond de trompettes royales. «Votre majesté m'autorise-t-elle à prendre une photo ?» lance, emphatique, un père gaga. Clic clac. Photo sur le gibet de potence. Clic clac. Photos en haut des tours qui offrent une vue d'ensemble sur le royaume Playmobil.
Il s'en est fallu de peu que les petits personnages restent au fond d'un tiroir. En 1971, Horst Brandstätter, héritier de la société de fabrication de jouets Geobra, fondée en 1876 par son aïeul Georg Brandstätter, cherche à développer une nouvelle ligne de jouets ne prenant pas trop de place, et peu gourmande en matière plastique. Dans les années 60, Geobra était devenu le numéro 1 du hula-hoop et des tracteurs en plastique. Hans Beck, le directeur du développement, fabrique les premiers Playmobil qu'il baptise alors «Clicky» parce qu'ils font clic quand on leur met un chapeau sur la tête. Son patron n'est pas follement enthousiaste. Mais à Noël 1975, l'entreprise étant quasiment au bord du dépôt de bilan, Horst Branstätter ressort ces bonhommes articulés des placards pour les présenter à la foire de Nuremberg. Les premières commandes tombent. En trente ans, Playmobil a vendu 1,8 milliard de boîtes bleues dans le monde, dont 75 millions en 2004. Contrairement à son rival danois Lego qui a opté pour des personnages aux visages cruels et qui connaît de sérieuses difficultés financières. Même les terribles corsaires de Playmobil gardent leur sourire naïf. Le bateau des pirates reste d'ailleurs un «must» dans la collection Playmobil. Posé sur un petit lac artificiel, la majestueuse reproduction grandeur nature de 17 mètres est l'un des clous du Funpark. «Tous à l'abordage !» hurlent les gosses. Les petits empruntent la passerelle, les plus aventuriers grimpent sur un radeau et accostent à la rame. Les petits singes se retrouvent en un rien de temps en haut du mat.
L'autre point fort, c'est la mine d'or. Accroupis dans le sable, les enfants guettent les pépites dans leur tamis. Les plus chanceux peuvent même remplir leur petit coffre de pierres précieuses : des agates roses ou bleues, des hématites, des jaspes, des améthystes. La soif de l'or rend les adultes complètement dingos. «Mais là-bas, Annika ! s'impatiente une mère. T'es miraude ou quoi ? Tu ne vois pas la pépite ?» Excédée, elle se met à gratter le sable, finissant par en oublier sa progéniture. «C'est génial d'avoir des cadeaux alors que l'entrée ne coûte que 5 euros», s'exclame une belle brune, découvrant un énorme tatouage au creux des fesses. Scènes identiques dans le périmètre de la maison dans l'arbre, une aire de jeux que le Funpark a inaugurée en mai. Là, il s'agit de récupérer des crustacés en plastique dans des coquillages géants. Après deux heures d'entraînement, Rafaela, 6 ans, et Pascal, 10 ans, sont devenus des pros de la pêche au homard bleu, à l'étoile verte et au crabe jaune... Autant de petites cochonneries qui finiront dans l'aspirateur. Mais comme c'est gratuit, des familles entières mouillent leur chemise pour augmenter la collection. Quand ils en ont assez, ils finissent par grimper dans les arbres-maisons, et redescendent en toboggan, non sans avoir tenté de répondre aux questionnaires : «A quel arbre appartient cette feuille ?». «Quelle est cette odeur ?» Car, même si les Playmobil sont en plastique, et consomment donc du pétrole, un parc sans valeurs environnementales, c'est impensable pour des Allemands. Le Funpark a d'ailleurs développé un centre botanique, très précieux les jours de pluie.
Les amoureux de la ferme peuvent traire leur vache Playmobil : de l'eau sort des pis
En été, les enfants peuvent patauger dans la fontaine, ou encore faire une course de bateaux le long d'un canal. Mieux encore, les amoureux de la ferme peuvent traire leur vache Playmobil (de l'eau sort des pis), et lisser les crinières des chevaux en plastique. Epuisé par toutes ces activités, un père de famille grimpe à califourchon sur un chien. Pas le moment de faire la sieste: la journée n'est pas terminée. Sylvia veut encore aller sur le terrain de golf, où la reine et le policier Playmobil regardent les balles des débutants voler dans tous les sens. Puis il y a le détour obligatoire par la boutique qui offre non seulement les boîtes à un tarif quasiment identique que dans les magasins, mais aussi des personnages disponibles uniquement sur commande, comme les dromadaires ou le rhinocéros. Cela permet au moins d'économiser les frais de port. Malheureusement, il n'est pas possible d'acheter sur place les pièces manquantes. «C'est impossible de les laisser en accès libre, il y en a des milliers, explique Gisela Kupiak, porte-parole du groupe. Mais des hôtesses sont là pour remplir les bons de commande.»
A partir de 18 heures, les allées du parc commencent à se vider. Beaucoup de familles, venues pour la journée, ont encore plus de deux heures de route à faire. Rares sont les élus qui peuvent dormir dans le Playmobil Inn. L'hôtel, qui ne comporte que 28 chambres, affiche complet quatre mois à l'avance. Bloc de béton quelconque à l'extérieur, il est aménagé avec beaucoup d'inventivité à l'intérieur : les chambres spacieuses ont un coin lits jumeaux, fermé par des portes coulissantes. Au petit déjeuner, les Playmobilomaniaques avalent leurs céréales tout en tournant et retournant le catalogue. Comme dit Basile, «il ne leur reste plus qu'à installer le train de Playmobil, l'arche de Noé, la police et le chantier. Et tout sera vraiment parfait».
Il existe également un Playmobil Funpark, près de Paris, à Fresnes. Voir sur www.playmobil-funpark.com
Source : Libération